Rouge Beauté œuvre pour le développement de micros-écoles d’arts appliqués à la production artisanale locale réalisée par les femmes à Madagascar. L’Association a choisi comme sites d’activité trois régions : la Haute Matsiatra, la Boeny et l’Analanjirofo pour y dispenser une formation artistique afin de développer la créativité. Son but est de mettre en valeur et de diversifier sensiblement la production artisanale locale afin d’en accroître la diffusion. Rouge Beauté vise l’autonomie financière de ces femmes qui peuvent maintenant produire, dans la durabilité, un artisanat créatif et original au sein de structures légères.

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samedi 19 octobre 2013

D'Ouest en Est

Vendredi 18 octobre 2013


Je suis à Tana, en partance pour un séjour de deux semaines à Sainte Marie. Bizarrement, alors que les élections approchent, c’est pour le 25 de ce mois, les rues me semblent plus sûres, je ne sens plus les regards des voleurs qui en un clin d’œil évaluent la potentialité d’un vol imminent sur ma personne. Alors que je m’étonnais de cette situation, on m’a dit à la réception de l’hôtel où je loge, qu’il y avait beaucoup plus d’argent à se faire avec la manne de la propagande électorale, il y a plusieurs meetings chaque jour.

J’ai laissé Rouge Beauté, à Mahajanga, avec un peu de regret alors que nous avons un beau local et tant de choses à organiser avec la nouvelle coopérative d’achat. La peinture est terminée, l’installation électrique est faite, mais il manque encore le compteur et c’est la croix et la bannière pour en obtenir un, en fait, il n’y en a pas en stock, il faut attendre un désabonnement. Attendre, toujours attendre… j’ai beaucoup de mal à m’y faire et c’est pourtant une pratique quotidienne et généralisée pour un grand nombre de démarches.

Hier, j’ai déjeuné avec Aurélie Razafinjato, à Antananarivo, une des initiatrices du projet Rouge Beauté, c’est toujours un plaisir de discuter avec cette femme intelligente, chaleureuse et efficace qui, depuis longtemps, se bat pour l’engagement des femmes dans la vie sociale et politique, au sein du VMLF dont elle est présidente nationale. Elle est très engagée auprès des artisanes de la région de Haute Matsiatra avec laquelle nous avons une convention.

À Tana, j’ai également rendu visite à l’association Zanaka, j’y passe, en général à chacun de mes voyages dans la capitale. Zanaka est une association de la région nantaise qui fait partie, comme Rouge Beauté, du Collectif Mada. Le collectif Mada regroupe des associations œuvrant pour Madagascar. L'objectif est de rendre plus efficaces et plus coordonnées les actions de ces associations menées tant en France qu'ici, à Madagascar.

À bientôt sur l’île de Sainte Marie

Rosemarie Martin

dimanche 6 octobre 2013

De l'espoir à l'horreur

6 octobre 2013



Me voici revenue donc à Madagascar depuis un mois, les artisanes de Mahajanga sont ravies de leur nouveau local même s’il reste encore beaucoup à faire.




Nous venons d’obtenir une aide locale de LPSA d’environs 2100€ pour la peinture qui est presque terminée maintenant, l’électricité et les moustiquaires.
L’installation des sanitaires, d’une urgence extrême, ainsi que les grilles de sécurité font partie, malheureusement, d’une autre demande de subvention… dont le dénouement est un peu compliqué pour l’instant. 


Même si nous avons l’impression d’être dans une coquille vide, sans équipement, le travail continue. 
Pour créer un peu d’émulation nous avons décidé d’organiser un concours, tous les mois, au sein de l’équipe. 
La semaine dernière, les "tresseuses" de raphia se sont mesurées sur la vitesse, la prochaine fois, la compétition portera sur la créativité. 
Ce petit exercice m’a, également, permis de mieux mesurer les temps de production, en effet, les femmes travaillant chez elle, sur leur temps libre entre l’entretien de la maison, les soins aux enfants et la préparation des repas, il leur est difficile de bien évaluer la durée de leur travail artisanal et donc d’en estimer le coût.


Les cours de français continuent.



La semaine dernière, j’ai fait un déplacement de 4 jours dans la région de Mitsinjo, un voyage bien éprouvant mais riche d’enseignement. Mitsinjo est située au sud de Mahajanga, de l’autre côté du fleuve, la Betsiboka, à 80 Kms, c’est-à-dire, 3 heures de piste. 
Emmanuel Terree, grâce auquel Rouge Beauté a obtenu une subvention de la Fondation Total, et son épouse Danielle, venus nous rendre visite, étaient du voyage.
Dans les différents villages (très isolés, accessibles en charrette à zébus ou à moto…), j’ai donc pu discuter avec les femmes des diverses associations qui veulent intégrer Rouge Beauté et qui sont en grande demande de formation.

L'idée pour l’Association locale, Asity, avec qui j’ai organisé ces visites c’est de ne pas dilapider les ressources naturelles telles que le raphia en proposant aux femmes de le transformer afin d’obtenir des revenus plus conséquents. L’idée est belle et simple sur le papier, mais sur le terrain, il est évident qu’il y a encore beaucoup, beaucoup à faire avant que les femmes arrivent à vivre de leur production artisanale.
 suis passée pas loin du découragement durant ce périple, mais nous ferons vraiment tout notre possible pour que le projet fonctionne pour ces femmes. Le prochain rendez-vous est prévu pour la mi-novembre à Mahajanga, deux femmes de chaque association, donc une douzaine, vont venir en formation à Rouge Beauté.

L’horreur s’est passée sur l’île de Nocy Be, la foule a lynché et brûlé, 3 personnes, les mouvements de foules sont implacables et incontrôlables, ils suivent les rumeurs... C'est monstrueux pour ces personnes qui se sont faites lyncher. Ce n’est pas la première fois que la foule applique la justice populaire, on peut lire, régulièrement dans la presse, ce genre d’exaction. Il y a quelques années, dans un village où je travaille régulièrement, deux personnes, dont une avait abattu un épicier, ont été lynchées par la population villageoise, battues à mort pendant deux jours. Je n’ai jamais demandé qui avait participé à ce lynchage mais il y a certainement des gens avec lesquels j’ai des relations amicales. Quand j’ai exprimé mon horreur, on m’a répondu : « Mais que veux-tu qu’on fasse, sinon, ils payent et s’en sortent comme ça ». Les mots me manquent pour qualifier ce problème de justice, mais je ne peux m’empêcher de penser au calvaire et à l’épouvante de ces victimes livrées à une foule haineuse et incontrôlable et je ne peux pas m’empêcher de penser à l’impact psychologique sur les personnes participant à ces lynchages, sur les enfants qui étaient là… vivre avec cet acte en soi, l’assouvissement de cette haine meurtrière collective… Peut-on continuer à vivre normalement ?

Rosemarie Martin