Rouge Beauté œuvre pour le développement de micros-écoles d’arts appliqués à la production artisanale locale réalisée par les femmes à Madagascar. L’Association a choisi comme sites d’activité trois régions : la Haute Matsiatra, la Boeny et l’Analanjirofo pour y dispenser une formation artistique afin de développer la créativité. Son but est de mettre en valeur et de diversifier sensiblement la production artisanale locale afin d’en accroître la diffusion. Rouge Beauté vise l’autonomie financière de ces femmes qui peuvent maintenant produire, dans la durabilité, un artisanat créatif et original au sein de structures légères.

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dimanche 21 octobre 2018

Créativité et pénurie de raphia


Cela fait un mois et demi maintenant que je suis de retour à Majunga. Demain, je pars à Sainte Marie pour revenir le 9 novembre, j'irai à Fianarantsoa un mois plus tard.

À mon retour, les artisanes de Majunga m'ont fait la surprise d'un nouveau tee-shirt aux couleurs de Rouge Beauté et de Mena Tsara (l'association qui gèrent les ventes). Elles adorent ça l'uniforme « évènementiel » !!!! À Sainte Marie aussi mais c'est un lambahoany, (pièce de coton imprimé qu'on noue sous les aisselles ou à la taille) et à chaque occasion festive, on les porte pour marquer son appartenance au groupe.

En ce moment, l'ambiance n'est pas trop à la fête, nous sommes en période préélectorale avec toutes les tensions que cela génère... La délinquance est en hausse depuis quelques années maintenant. Lorsque je suis à Antananarivo, à la nuit tombée même avant 19h, je ne peux plus me déplacer à pieds et dans la journée, il faut toujours faire très attention à son sac, c'est un peu usant d'être toujours sous tension. Dans l'ensemble, la confiance n'est pas de mise, un petit incident peut rapidement mal tourner et les occasions de se faire truander sont nombreuses.
À côté de cela, j'ai régulièrement de bonnes et de très bonnes surprises de gens attentionnés et pas forcément de ceux auxquels on s'attendrait : quand je passe à Antananarivo, je loge dans le quartier Tsaralalana, au bout de ma rue, c'est le quartier Petite Vitesse réputé très malfamé à juste titre, cependant, je prends toujours le taxi là car depuis le temps, je commence à bien connaître les chauffeurs, évidemment leurs véhicules sont, pour la plupart, des deux-chevaux et 4L en piteux état. Les chauffeurs connaissent la plupart de mes trajets, j'ai sympathisé avec Samson, le chef, il est toujours partant pour me conduire partout, surtout quand je vais à l'aéroport, la dernière fois à 4h30 du matin, une de ses roues a crevé en plein milieu de l'une des nouvelles voies construites à l'occasion de la Francophonie. C'est certain, l'endroit n'est pas sûr, Hery a donc continué sa route et a tenu à aller jusqu'où il pourrait me trouver un autre taxi quitte à bousiller sa jante. Ce qu'il a fait et il m'a mise en sécurité dans un autre taxi. Merci pour ce professionnalisme, Monsieur Samson !!!

C'est la pénurie de raphia : mauvaises récoltes, feux de brousse, exportation à outrance... le raphia se fait très, très rare, tout le monde en cherche, du coup son prix a doublé et comme c'est notre principale matière première, nous avons de grosses difficultés en ce moment. 
Pour compenser la perte, j'ai lancé un concours de nattes qui peuvent se réaliser également en satrana, variété de palmier local, les premières productions sont déjà sur notre page FaceBook, le résultat du concours est prévu le 12 novembre, d'ici là, j'espère qu'il y aura tout un panel de nouveaux modèles.

Malgré tout, la créativité des artisanes ne s'est pas tarie, tous les lundis de nouveaux objets voient le jours. À Rouge Beauté, nous préférons la diversité à la production intensive.









































La maison des enfants Akanin'Ankizy, nid des enfants, accueille 5 petits pensionnaires. Leurs situations familiales s'étant nettement dégradées pour des raisons diverses, maltraitance grave, abandons de la mère, père alcoolique et violent..., nous les accueillons même le week-end en ce moment. À Madagascar, les grandes vacances ne sont pas terminées, elle durent jusqu'au 19 novembre mais nous allons bientôt recommencer le soutien scolaire afin que les petits élèves ne soient pas trop rouillés à la rentrée.

Cette semaine, nous nous réjouissons pour Harisoa, la fille d'une artisane de Rouge Beauté qui vient d'avoir, son bac, tout le monde est content pour elle. Je disais au mois d'août dernier que dans notre petite communauté de 64 familles, il y avait 3 enfants qui suivaient des études supérieures mais en fait, ils sont 6 : 5 filles et un garçon, alors qu'il y a 6 ans, il n'y en avait qu'un. 





Nous sommes contentes de l'évolution positive pour ces femmes et leur famille, le niveau et la qualité de vie se sont nettement améliorés. 



Une des artisanes battue par un mari alcoolique et violent vient de le quitter ; avec ses propres revenus, elle s'est fait construire une petite maison sur un terrain qu'elle a acheté pour y vivre avec ses enfants.
Les formations continues d'informatique et de langues, les discussions durant les réunions mais aussi et surtout l'autonomisation financières de ces femmes font changer les habitudes de soumission.




À suivre aussi sur 
https://web.facebook.com/rougebeautemadagascar/ 

Rosemarie Martin

lundi 20 août 2018

Soirée de soutien Rouge Beauté le jeudi 30 août à Nantes



Lundi 20 Août 2018


Me voilà en France depuis un mois et demi comme chaque année.

À Mahajanga, plus d'une soixantaine de femmes travaille régulièrement. Nos matières premières sont le satrana, palmier local, et le raphia pour lequel nous avons, en ce moment, un problème d'approvisionnement, nous avons pourtant signé un contrat avec un producteur mais il nous mène en bateau depuis plus de deux mois, nous avons trouvé d'autre raphia ailleurs mais pas suffisamment, c'est un gros souci... Mais nous avons des pistes...
Cette pénurie, rend les femmes encore plus créatives, elles utilisent les chutes, se sont remises à faire des rideaux qui demandent moins de matière première, le satrana est de plus en plus utilisé, enfin, les résultats sont toujours là heureusement mais il ne faudrait pas que cela dure trop longtemps.

Comme chaque année en juillet-août, voici quelques éléments du compte rendu de l'année écoulée :

Il y a maintenant 64 artisanes au sein de Rouge Beauté à Mahajanga et une quinzaine à Sainte Marie.

Cette année, les femmes de Majunga ont bénéficié d'un programme de formation très complet grâce au soutien du Secours Populaire de Loire-Atlantique avec des formations techniques par sessions : couture, teinture, tissage, tressage, nattage pour les nouvelles recrues... et une formation continue en langue, calcul, informatique, gestion, vente, « suivi de commandes », communication, photos... pour tout le groupe.
Une formation pédagogique ludique a aussi été dispensée aux animatrices de la Maison des Enfants, Akanin'Ankizy.

Les artisanes de Sainte-Marie ont bénéficié d'une aide pour la peinture du bâtiment, se sont équipées en ordinateurs et ont fait un voyage d'échange des savoirs à Fianarantsoa.
En mai, je suis allé à Sainte-Marie, mon séjour a été très dense, la formation design a porté ses fruit avec la création de nouveaux modèles. De plus, les artisanes ont reçu une commande importante à organiser, j'ai dû aussi mettre en place la formation informatique, nous avons prévu 3 niveaux, les femmes presque analphabètes qui juste à partir d'un mot découvrent des images, le niveau moyen qui va aborder l'utilisation des réseaux sociaux et les 3 responsables qui vont se perfectionner en bureautique. Cet apprentissage est long mais là, nous avons choisi une approche ludique, directement sur l'ordinateur car maintenant nous avons suffisamment d'appareils pour les travaux pratiques.


À Fianarantsoa, comme chaque année deux formations de quinze jours ont lieu auprès de 4 associations locales de Mahasoabe, Andohabevava et Fianarantsoa ville.
En Mai, les artisanes de Fianarantsoa ont reçu les artisanes de Sainte-Marie pour un échange de savoirs et une formation design.









Qui sont les bénéficiaires de Rouge Beauté ?

Origines ethniques : Les femmes du groupe Rouge Beauté Mahajanga sont issues de six ethnies différentes, de diverses régions de Madagascar dont certaines sont très éloignées : les Merina à Antananarivo, les Betsileo à Fianarantsoa, les Betsirebaka à Manakara au sud-est du pays, les Tsihemety à Port Berger au nord-centre, les Sakalava de la région de Majunga et une comorienne… Cette diversité enrichit les pratiques.
À Mahajanga, 92% des femmes habitent dans les villages environnants et 8% sont des citadines de Mahajanga.
À Ambatorao, Sainte-Marie, les artisanes sont toutes originaires de l'Île et même du village pour la plupart.
À Fianarantsoa, comme à Sainte-Marie, les artisanes ont des origines locales.

Situations familiales 
Les situations familiales sont souvent difficiles (veuvage, divorce, chômage du mari, alcoolisme…).

Niveau scolaire : 85% n’ont pas dépassé le niveau primaire (31% des femmes ont des difficultés à écrire, 12% sont analphabètes), 11% sont allées au collège, 4% ont dépassé le niveau collège et la bonne nouvelle c'est que parmi les enfants des artisanes Rouge Beauté, 3 jeunes filles sont à l'Université et participent aux activités de l'association.

Répartition des âges : 7% ont moins de 20 ans, 15% des femmes ont entre 20 à 30 ans ; 23% entre 30 et 40 ans ; 11% entre 40 et 50 ans ; 6% entre 50 et 60 ans et 2% de plus de 60 ans.
L'association contribue à faire vivre 225 personnes à Mahajanga et 52 à Sainte-Marie.


La gestion des gains à Mahajanga et à Sainte-Marie

Le chiffre d'affaire est nettement en hausse : grâce au bouche à oreille et à la page Facebook qui reçoit de 5000 à 12000 visiteurs par semaine, le chiffre d'affaire des artisanes a augmenté de 27% par rapport à l'an passé.

La gestion des gains par l’Association Mena Tsara
Depuis 2013, Rouge Beauté a passé la main. Les outils de gestion que nous avons créés en concertation, permettent aux femmes de gérer elles-mêmes leurs gains au sein d’une association, Mena Tsara. La patente est désormais à ce nom.
Au prix de revient d’un produit (matière + main d'oeuvre) que récupèrent intégralement les artisanes, 20% sont ajoutés pour constituer le prix de vente. Ces 20% sont répartis comme suit : 10% reviennent à la vendeuse et 10% paient les menus frais et la patente. Les artisanes achètent leur matière première et toutes leurs fournitures à la coopérative d’achat. Elles sont maintenant autonomes pour la plupart. Nous avons créé un système particulier pour les artisanes qui ne sont pas encore prêtes à anticiper leurs achats.

Recherche de partenariat commerciale dans différentes régions de Madagascar, pour l'instant, nous avons trouvé deux magasins revendeurs réguliers de nos produits, l'un à Tamatave, l'autre à Antananarivo. Nous sommes souvent contactés pour vendre en dehors de Madagascar mais nous ne sommes pas encore en mesure d'exporter.


Akanin'Ankizy, un nid pour les enfants à Mahajanga.

La structure que nous avons créée l'an passé à Mahajanga se porte bien. Nous avons dû toutefois déménager en raison du comportement de l’ancien propriétaire, pour un nouveau gîte à 50m du premier, toujours bien situé entre les villages des artisanes de Rouge Beauté.
Comme vous le savez, la maison accueille 4 nuits par semaine 2 à 6 enfants. Les problèmes de certaines mamans, en grandes difficultés, rejaillissent forcément sur les enfants. Le week- end et le midi, nos petits pensionnaires sont avec leurs mamans. Nous veillons à ce que les enfants soient dans des écoles correctes. L’association qui paie donc la scolarité et les fournitures scolaires quand c'est nécessaire.
Le soir à Akanin’Ankizy, Niry, Yvonne et Julietta se relaient 2 par 2 pour aider les enfants dans leur scolarité et leur donner l’affection dont ils manquent souvent. Il n’est pas rare, en effet, que les enfants soient considérés par leur famille comme des employés de maison.
Tous les mercredis soir, le soutien scolaire s’adresse à une douzaine d’enfants et le vendredi après-midi, l’atelier théâtre-danse-chant attire une bonne quinzaine d’enfants. Lors de la visite de deux de nos parrains, Catherine et Lucien en novembre dernier, les enfants ont produit un petit spectacle. Un autre a eu lieu en juin.






L'assemblée Générale de Rouge Beauté se déroulera à Nantes le jeudi 30 août au Lieu Unique Foyer Haut, à 19h, elle sera suivie d'une Soirée de Soutien à laquelle tout le monde est convié. Nous vous attendons nombreux !





À suivre

Rosemarie Martin

jeudi 10 mai 2018

Échange des savoirs et formations tissage, teinture...

La saison des pluies est bien finie maintenant. Cette année elle a été très intense et c'est une bonne chose, heureusement que nous avons pu refaire la toiture du local Rouge Beauté à Mahajanga. À Sainte Marie, malgré les cyclones et autres tempêtes tropicales, la maison a bien tenu.



Fin mars, début avril a eu lieu la session d'Échange des savoirs entre les artisanes de Fianarantsoa et celles de Sainte-Marie qui se sont déplacées pour l'occasion. Pour la plupart, c'était la première sortie de l'Île et pour toute un premier grand voyage, toute une expédition 
Tout c'est bien passé durant ce stage, l'accueil et les conditions d'hébergement chez Madame Françoise ont été au top. Des liens d'amitié se sont créés.
Les échanges se sont avérés très fructueux, le penja de Sainte Marie est un jonc assez proche du forona de Haute Matsiatra. Si les techniques des deux régions sont similaires quant au nattage, les savoir-faire de mise en forme sont très différents. Les artisanes de Sainte Marie qui ne savaient pas faire des bosses rondes étaient condamnées à faire des chapeaux carrés, impossibles à vendre, cette même technique mais ajourée leur a permis aussi de réaliser un nouveau type d'abat-jour. Les artisanes de Sainte Marie avaient aussi de gros problème de fixation de la teinture. En échange de ces techniques, elles ont appris aux artisanes de Fianarantsoa, à faire des cornets, des corbeilles quatre points de base et des abat-jour garaba.

J'en ai profité pour faire une formation design, un peu chaque jour.
Nous avons également passé une demi journée à Andohabevava avec les artisanes Rouge Beauté qui tressent le sisal, taretra.






À mon retour, j'ai retrouvé les femmes de Mahajanga qui sont, elles aussi, en pleine formation, surtout pour les nouvelles recrues, le groupe est passé de trente à plus de soixante personnes en deux ans.
Une formation tissage vient de se terminer ainsi qu'une grosse formation teinture naturelle sur tissus et sur raphia. 
Nous prévoyons ce mois-ci, une formation calcul basique pour toutes les femmes car le prix des tapis et des paniers en raphia tressé sont calculés en fonction de la surface. Pour l'instant, seules les 3 responsables sont capables d'évaluer ces prix.
Les 3 responsables de la vente et de la gestion se perfectionnent en informatique afin de gérer le suivi des commandes par correspondance, la gestion de la boutique étant maintenant complètement acquise. Nous n'exportons toujours pas à l'étranger mais nous avons maintenant des clients à Antananarivo et en province.








À Akanin'ankizy, au programme une formation pédagogique axée sur l'apprentissage de méthodes d'enseignement ludique utiles pour le soutien scolaire qui a lieu tous les mercredis soir mais aussi et surtout pour nos petits pensionnaires qui sont en échec scolaire. 






Pour le 1er mai, les artisanes ont organisé, cette année, une super fête sur la plage, trajet en bus spécial, pique-nique, danse, chant, ce fut une belle journée ! 




Pour finir, un petit coup de gueule : pour certains « artisans », il suffit de rajouter un pompon, un ruban, une anse... ou un bouton pour s'approprier le travail d'autrui. Nous nous sommes aperçues qu'il y a des personnes qui achètent nos produits pour les revendre à leur propre nom en les transformant légèrement, d'autres encore ne prennent pas cette peine. Grâce à la formation internet, les artisanes de Rouge Beauté ont accès aux réseaux sociaux, elles ont eu la surprise de retrouver leurs produits vendus dans un magasin d'artisanat par une personne qui s'est fait passer pour la créatrice.
Pour en revenir à l'artisanat de transformation, je peux l'apprécier quand le nouveau produit devient tout autre et non un produit habillé. Je défends la création. À mon avis, pour un bon designer, la forme naît du matériau, de ses qualités intrinsèques. C'est la matière qui amène la forme. On voit bien que les produits Rouge Beauté de Sainte-Marie sont tout à fait différents de ceux de Mahajanga car les fibres y sont très distinctes, à Sainte Marie, c'est le penja, jonc local, qui domine tandis qu'à Mahajanga, c'est le raphia mais également le satrana, variété de palmier. 

Sans rancune, à bientôt, n'hésitez pas à consulter notre page FaceBook : 
il y a des nouveautés presque toutes les semaines. 

Et quelques photos, ci-dessous.

Rosemarie Martin