Rouge Beauté œuvre pour le développement de micros-écoles d’arts appliqués à la production artisanale locale réalisée par les femmes à Madagascar. L’Association a choisi comme sites d’activité trois régions : la Haute Matsiatra, la Boeny et l’Analanjirofo pour y dispenser une formation artistique afin de développer la créativité. Son but est de mettre en valeur et de diversifier sensiblement la production artisanale locale afin d’en accroître la diffusion. Rouge Beauté vise l’autonomie financière de ces femmes qui peuvent maintenant produire, dans la durabilité, un artisanat créatif et original au sein de structures légères.

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dimanche 22 décembre 2019

Échanges des savoirs entre les trois sites Rouge Beauté : Majunga, Sainte Marie, Fianarantsoa. Bilan positif pour les 10 ans de Rouge Beauté !


Dix ans, c'est un bilan positif, 77 artisanes à Majunga, une vingtaine à Ambatorao, Sainte-Marie et une vingtaine aussi dans la région de Fianarantsoa. L'Association contribue à faire vivre 410 personnes.

Organisation
Depuis 2013, Rouge Beauté a passé la main pour le fonctionnement des boutique. Les outils de gestion que nous avons créés en concertation, permettent aux femmes de gérer elles-mêmes leurs gains au sein d’une association, Mena Tsara. La patente est désormais à ce nom.
Au prix de revient d’un produit (matière + main d'oeuvre) que récupèrent intégralement les artisanes, 20% sont ajoutés pour constituer le prix de vente. Ces 20% sont répartis comme suit : 10% reviennent à la vendeuse et 10% paient les menus frais et les impôts. Les artisanes achètent leur matière première et toutes leurs fournitures à la coopérative d’achat qu'elles gèrent. Elles sont maintenant autonomes pour la plupart. Nous avons créé un système particulier pour les artisanes qui ne sont pas prêtes à anticiper leurs achats.

Qui sont les artisanes Rouge Beauté ?
Origines ethniques : Au sein de l'Association les ethnies sont diverses, Betsimisaraka à Sainte Marie, Betsileo à Fianarantsoa. À Majunga, les femmes du groupe Rouge Beauté sont issues de six ethnies différentes, certaines viennent de très loin : les Merina à Antananarivo, les Betsileo à Fianarantsoa, les Betsirebaka à Manakara au sud-est du pays, les Tsihemety à Port Berger au nord-centre, les Sakalava de la région de Majunga et une comorienne… Cette diversité enrichit les pratiques.
93% des femmes habitent dans les villages 

environnants et 7% sont des citadines.

Situations familiales 
Les situations familiales sont souvent difficiles (familles monoparentales, veuvage, divorce, chômage du mari, alcoolisme…).
Niveau scolaire : 84% n’ont pas dépassé le niveau primaire (31% des femmes ont des difficultés à écrire, 12% sont analphabètes), 10% sont allées au collège, 6% ont dépassé le niveau collège et la bonne nouvelle c'est que parmi les enfants des artisanes Rouge Beauté, 5 jeunes filles sont à l'Université et participent aux activités de l'association.
Répartition des âges : 10% des femmes ont moins de 20 ans, 26% ont entre 20 à 30 ans ; 34% entre 30 et 40 ans ; 17% entre 40 et 50 ans ; 9% entre 50 et 60 ans et 4% de plus de 60 ans.



Formations
La formation est le pilier de tout projet de développement et constitue un investissement à long terme.
L'effectif augmente sans cesse, nous avons construit le site de Majunga en 2011 et 2013, le site de Sainte Marie en 2015, à

Fianarantsoa, nous suivons une vingtaine d'artisanes. Les nouvelles recrues ont besoin de formation de base et les anciennes doivent consolider et étendre leurs acquis, sans formations régulières le groupe régresse très vite.



Les formations continues et les grands plans de formation intensive que nous avons mis en place en 2014 à Majunga et en 2018 à Sainte Marie ont été décisifs pour le développement de Rouge Beauté, c'est grâce aux formations que l'Association s'est si bien développée. Nous devons continuer, aussi, nous projetons de nouveaux un grand plan de formation : techniques artisanales, design et informatique.





Formation Design
Toute l'action de Rouge Beauté repose sur le développement de la créativité. C'est l'objectif premier de l'Association, son but est de mettre en valeur et diversifier sensiblement la production artisanale locale afin d’en accroître la diffusion. Rouge Beauté vise l’autonomie financière de ces femmes, qu'elles puissent produire, dans la durabilité, un artisanat créatif et original.
La difficulté, c'est qu'à Madagascar, il n'y a pas d'enseignement créatif à l'école, de plus la société étant plus axée vers le passé que vers l'avenir, la tendance en matière d'artisanat est de copier et répéter plutôt que de créer ce qui sature le marché.
Les formations design aident chaque artisane a trouver sa propre expression à travers la découverte de nouvelles techniques qui enrichissent ses acquis.
Grâce aux formations design, les artisanes apprennent la notion de « propriété intellectuelle », les modèles appartiennent toujours à une femme ou à un groupe si la découverte est collective.
Cela change tout le rapport au travail. À Madagascar, ce n'est pas l'objet qui a un prix mais le client par le système du marchandage. En développant leurs propres modèles et en leurs attribuant un coût de revient, les artisanes Rouge Beauté, retrouvent le sens du travail bien fait qui a une valeur propre. C'est une valorisation du travail et donc de la personne qui l'exécute.
Pour un bon designer, la forme naît de la bonne utilisation des techniques les plus adaptées aux qualités intrinsèques de la matière. La formation design s'appuie donc sur l'observation de la matière première et l'étude de toutes les techniques de transformations naturelles à disposition.
La formation comporte beaucoup d'observation et beaucoup de recherches dont les résultats se révèlent au cours de concours de créativité ponctuels, environs tous les deux mois.

Formation Informatique au service de l'ouverture cultuelle et de la gestion
Les femmes ont besoin de s'ouvrir au monde extérieur afin de parfaire leurs connaissances professionnelles mais aussi continuer à se cultiver. C'est très important pour ces personnes qui, bien souvent, ont été très peu scolarisées. Cela représente une seconde chance pour elles.

Formation aux recherches sur Internet  : l'ouverture culturelle et artistique et utilisation des réseaux sociaux sont indispensables pour promouvoir la diffusion des produits, il s'agit d'une initiation pour les unes et d'un renforcement pour les autres.

Formation Gestion : le groupe de Majunga est devenue autonome pour gérer les ventes à la boutique mais il reste beaucoup à faire en gestion des commandes, d'autant plus que la personne qui en était responsable est partie pour raison professionnelle. Nous devons donc former 3 artisanes à la gestion des commandes et renforcer leurs connaissances en bureautique. À Sainte-Marie, l'acquis est encore trop faible pour les 2 responsables du groupe et à Fianarantsoa, tout reste à faire.


Offrir un accès au numérique aux femmes artisanes. Une formation sans accès numérique continu serait un frein, voire un fiasco pour l'ancrage des connaissances nouvellement acquises, les artisanes doivent pouvoir pratiquer tous les jours.

Les équipements : grâce, aux subventions et dons, nos sites sont équipés en matériel informatique sauf celui de Fianarantsoa. À Majunga, il nous faut remplacer l'imprimante qui est irréparable.


Échange des savoirs sur les trois sites Rouge Beauté :
L'expérience de l'Échange des savoirs entre Fianarantsoa et Sainte Marie a été un tel succès l'an passé que nous avons commencé généraliser cette pratique cette année entre les 3 sites. Nous avons constaté que les savoir-faire sont différents et complémentaires dans ces trois régions alors que les matières premières, essentiellement des fibres naturelles, possèdent des qualités similaires. Il paraît donc judicieux de partager ces différentes techniques afin d'enrichir les pratiques locales. Cette année, quatre sessions ont été programmées :
Dix artisanes de Majunga sont allées à Sainte-Marie en novembre.
Huit artisanes de Sainte-Marie étaient cette semaine à Fianarantsoa.
Dix artisanes de Sainte-Marie se rendront en avril 2020 Majunga.
Dix artisanes de Fianarantsoa iront à Sainte-Marie en mai 2020
Si les techniques sont échangées, les modèles ne le sont pas. Grâce aux formations Design, les artisanes ont appris la notion de « propriété intellectuelle ». Les modèles appartiennent toujours à une artisane ou à un groupe si la découverte est collective.
Ces échanges dépassent le domaine professionnel; ils sont aussi l'occasion d'une ouverture vers d'autres cultures, d'autres coutumes, la découverte de leur pays que souvent les artisanes ne connaissent pas. C'est aussi un moment privilégié pour souder les liens entre collègues.
Les deux dernières sessions ont été de grands moments, le voyage est déjà toute une aventure ! En novembre, l'accueil à Ambatorao, Sainte-Marie a été formidable, une occasion aussi de fêter les 10 ans ensemble. Les artisanes d'Ambatorao ont transmis la technique du chapeau raphia natté très fin, la technique garaba pour les abat-jour et la manière de faire les fonds de corbeilles 4 points pour une meilleure assise. Les artisanes de Majunga ont surtout transmis la tissage avec de nouveaux motifs, le tressage à 7, 9, 11 et 13 brins mais aussi une nouvelle façon de concevoir les poufs.
Cette semaine, les artisanes de Fianarantsoa ont transmis le nattage ajouré, en semi-sphère, en galette et le motif pied de poule. Les artisanes de Sainte-Marie ont transmis, le tressage 5 brins cousu, la fabrication de cornets et le point garaba...


Akanin'Ankizy, un nid pour les enfants.À Madagascar, il y a une grande tradition d'entraide familiale qui règle bien des problèmes mais Mahajanga est une ville de grande immigration et certaines femmes se retrouvent seules, elles ont beaucoup de mal à élever leurs enfants tout en travaillant.
Depuis fin 2016, nous avons créé cette nouvelle structure afin de venir en aide à ces enfants défavorisés, en ce moment la structure accueille 5 enfants en grandes difficultés. Ils sont ravis ; Yvonne et Julietta sont extras avec eux : jeux, goûter, repas, soutien pédagogique… l'Association prend également en charge les frais de scolarisation de nos petits pensionnaires qui ne sont pas coupés de leurs familles, c'est très important.
Akanin'Ankizy propose aussi du soutien scolaire et des activités ludiques, chant, danse, théâtre aux autres enfants de l'Association.

Un bilan bien positif donc pour ces dix ans mais j'ai été triste d'apprendre en revenant de France, en septembre, qu'une des artisanes de Rouge Beauté était partie travailler comme employée de maison au Koweït.
Les autorités malgaches ont pourtant suspendu l'envoi d’employées de maison dans les pays du Golfe depuis 2013. Mais des dizaines de femmes parviennent à s’y rendre chaque année, la plupart du temps, elles sont très mal traitées mais l'appât du gain fait disparaître la prudence.

À suivre sur ce blog et toutes les semaines sur FaceBook :
https://web.facebook.com/rougebeautemadagascar/
Rosemarie Martin








vendredi 26 avril 2019

Rouge Beauté, 10 ans bientôt !

Le quotidien n'est pas toujours facile...
À Majunga, comme partout, nous avons subi une grosse épidémie de rougeole et avons eu de grosses frayeurs pour quelques enfants de l'association.
Si l'épidémie de rougeole semble concerner le monde entier, à Madagascar, elle est s'est considérablement développée, elle sévit depuis le mois d'octobre.
D'après le journal Midi Madagasikara « l’épidémie de rougeole a touché (à la date du 15 mars 2019) 112.639 personnes, toutes tranches d’âges confondues... » Plus d'un millier de décès a été notifié.
Dans Africanews, le 3 mars 2019, Mme Kretsinger de l'OMS explique que le plan de vaccination contre la rougeole à Madagascar consistait en une seule dose de vaccin, alors que l’OMS en recommande deux, car la première n'est  pas toujours efficace.
Une grande campagne de vaccination a donc été mise en place dans le pays, l'épidémie semble en baisse depuis le dernier pic de février.



Sinon, je suis toujours aussi horrifiée quand j'entends parler d'un lynchage, je suis étonnée qu'on en parle si peu dans la presse. Dans un village au nord de Majunga, en ce début d'année, un homme a été massacré par la foule car il a été pris pour un voleur de zébu, il n'a même pas pu s'expliquer. 


Sur un autre registre moins dramatique, j'ai été consternée avec beaucoup d'autres par le Concours de lessive organisé pour les femmes par la Mairie d'Antananarivo à l'occasion du 8 mars, d'autant plus que la mairie est dirigée par une femme. On est pas près d'y arriver... 




En tout cas les artisanes de Rouge-Beauté sont en plein dynamisme, il suffit de regarder toutes ces images et la page FaceBook chaque début de semaine pour voir la joie et la fierté de créer sans cesse de nouveaux modèles.









Depuis le départ de Nirisoa à Antananarivo, nous avons dû nous réorganiser pour la facturation, le rapport clientèle et le suivi des commandes que nous avons répartis sur 3 personnes. Après quelques couacs et un nouveau remaniement, ça a l'air de bien fonctionner...





Les enfants de Akanin'Ankizy vont bien, ils sont cinq en ce moment à profiter de la maison. Chaque mercredi soir, Mirana passe un moment avec eux pour le soutien scolaire, trois sont en situation d'échec grave, elle leur enseigne les bases par le jeu.




En ce moment, je suis à Fianarantsoa, j'ai porté une plus grande attention aux artisanes de Mahasoabe et du petit village de Andohabevava. Ces femmes travaillent beaucoup et bien. Etant donné qu'il leur est difficile de vendre dans leur région, elles envoient régulièrement des colis à Majunga. Suite au grand succès de l'Échange des Savoirs que nous avions organisé avec les artisanes de Sainte-Marie en avril  2018, nous avons demandé d'autres financements pour généraliser cette pratique d'échange entre les trois sites. J'espère que nous allons pouvoir concrétiser ce projet, les artisanes sont plus que partantes. Nous envisageons aussi une petite formation aux applications de messagerie afin que nous puissions échanger des images des produits finis ou commandés, ce n'est pas toujours simple de se comprendre parfaitement par téléphone d'autant plus que mon malgache doit encore progresser.

Il y a un mois, j'étais à Ambatorao, Sainte-Marie, j'y allais un peu à reculons car il y avait beaucoup de problèmes à régler mais tout s'est arrangé.
Les panneaux solaires qui écrasaient les feuilles de ravenala du toit provoquant ainsi depuis de nombreux mois de très grosses fuites ont été réinstallés gracieusement par la société qui les avait installés.



La gestion des ventes avait subi quelques revers depuis que Philomène, la responsable qui a une charge de travail trop importante avait délégué la comptabilité à une autre artisane, là, ce fut la catastrophique, le cahier de compte faisait 3/3 cm et je ne me suis pas trompée dans mes mesures ! Bien sûr, le trou dans la caisse était, lui, beaucoup plus important, Philomène a dû reprendre la comptabilité quelques temps et former Florette qui a fait des études en collège, là, les comptes sont à jour.
Pour couronner le tout, le formateur en informatique était parti depuis novembre avec une partie du matériel qu'il devait installer, ça faisait plus de 8 mois que nous travaillions avec lui, une confiance s'était installée... là, nous l'avons menacé de porter plainte et ce mois-ci tout est rentré dans l'ordre.



Heureusement, il y a beaucoup de positif, beaucoup d'acquis, de progression, de nouveaux beaux objets sont crées et les nouvelles techniques sont de mieux en mieux maîtrisées par toutes. Les photos sont là pour en témoigner. Au concours de créativité que nous avions organisé en ce début de mois, Corine a gagné le premier prix, un téléphone.













À propos de photos, nous avons poursuivi la formation entamée en octobre, Hortence, a pris spontanément la tête du groupe, elle est très à l'aise avec l'appareil. J'espère que bientôt les artisanes de Sainte Marie pourront envoyer de belles images pour FaceBook.

Quatre nouvelles recrues du village viennent de rentrer à Rouge-Beauté et des femmes d'Ifotatra, à 5 km au sud d'Ambatorao, voudraient en faire autant, l'association est ouverte à toutes celles qui le souhaitent.


Rouge Beauté va fêter ses 10 ans cette année, le 3 juillet en France et fin septembre à Madagascar. Nous sommes toutes très fières de l'évolution du projet. Grâce aux formations continuelles, aux conditions de travail améliorées, à l'organisation rigoureuse, à la volonté de s'en sortir... les conditions de vie des artisanes de Rouge Beauté s'améliorent peu à peu. Elles ont beaucoup gagné en autonomie et elles l'expriment.

À suivre....